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L’erreur historique de la direction de la CFDT en 1999

lundi 13 janvier 2020, par André Martin

En 1999, Nicole Notat et la direction de la CFDT, ainsi que les dirigeants du PS, ont commis une erreur historique. En s’entêtant à soutenir la légalisation du contrat de travail « forfait jour » que le Medef s’était mis à exiger pendant les 2 années entre la loi Aubry 1 et la loi Aubry 2. A l’époque, la CFDT, le Medef et François Hollande (Premier Secrétaire du PS) nous affirmaient que le forfait jour ne concernerait que quelques dizaines de milliers de cadres. Aujourd’hui, 20 ans après, 4 à 5 millions de salariés en supportent aujourd’hui les multiples et graves conséquences.

Aujourd’hui, Laurent Berger et la direction de la CFDT sont au bord de commettre une nouvelle imprudence aux conséquences encore plus incalculables pour les salariés de ce pays. Et probablement pour la CFDT.

Explications

A partir des années 70 et pendant 2 décennies, la CFDT a été à l’avant garde pour revendiquer la réduction du temps de travail. Avec le mémorable slogan du « Travailler moins pour travailler tous ». En 1999 elle a malheureusement voulu se la jouer réformiste, en insistant pour la légalisation du forfait jour, dans la loi Aubry 2. C’était une exigence forte du Medef et de la très puissante fédération patronale de la branche métallurgie qui inclut aussi la totalité des entreprises électriques, électroniques et télécom !

A l’époque, la CGT de Bernard Thibault et la CFE-CGC de Jean-Luc Cazettes ont tout tenté, en vain, pour s’opposer au forfait jour. A la demande de milliers de syndicalistes d’entreprise qui eux savaient d’expérience comment les employeurs parviennent toujours à contourner une loi si, par imprudence, on leur en offre la possibilité. François Hommeril, aujourd’hui Président de la CFE-CGC, faisait partie avec moi des initiateurs de cette bataille qui avait rassemblé des milliers de syndicalistes d’entreprise. Pour connaître la chronologie et les conséquences de cette funeste erreur de Nicole Notat et la direction de la CFDT, lire ma contribution de 2011 Près de 3 millions de salariés corvéables à merci, à cause du contrat de travail en jours.

Aujourd’hui, ce sont probablement 5 millions de salariés (la DARES en communique régulièrement la statistique) qui sont contraints de travailler un nombre d’heures beaucoup plus élevé qu’avant les 2 lois sur la RTT dîtes des 35 heures ! Car depuis 2 décennies les lobbies patronaux ne sont pas restés inactifs pour démolir/assouplir/contourner les principales avancées qui, au départ, découlaient de ces 2 lois.

L’exemple emblématique est celui de l’entreprise EDF. La CFDT et la CFE-CGC, parce qu’elles représentaient ensemble 70 % des salariés cadres, ont réussi pendant 15 ans à repousser le forfait jour pour les 22 000 cadres de l’entreprise. Et patatras en 2016, comme le relate le journal La Tribune Plus de 17.000 cadres d’EDF ont "abandonné" les 35 heures pour le forfait-jour. Avec quels "arguments" la direction d’EDF a-t-elle convaincu Laurent Berger d’inviter le délégué syndical central CFDT de signer ? La CGT et FO d’EDF n’avaient pas paraphé cet accord, pour tenter d’éviter une "dégradation des conditions de travail" des cadres.

En moins de 2 décennies les forces de droite avaient gagné la bataille idéologique, contre les trop « réformistes » forces de gauche. Le « Travailler moins pour travailler tous » était devenu « Travailler plus pour gagner plus ».

Face aux dégâts causés par sa funeste erreur de 1999, la CFDT vient d’être contrainte de publier en février 2019 (20 ans après !), une brochure de 16 pages "Forfait jours - A encadrer". Dans laquelle elle reconnaît l’utilisation abusive du forfait jour par les employeurs. Elle s’efforce de donner quelques conseils aux millions de cadres pour qu’ils tentent, seuls donc en vain, de résister aux durées du travail abusives que ... 98% des employeurs sont parvenus à imposer d’une façon ou d’une autre.

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Revenons à notre réforme pour un système de retraites « universel », « plus juste », « dont les femmes seront les grandes gagnantes », ...

Aujourd’hui, aucun économiste sérieux, ni aucun syndicaliste sérieux, n’a le moindre doute sur le fait que la réforme Macron/Philippe des retraites aurait deux conséquences gravissimes.

  • à terme, les retraites seraient beaucoup plus basses et inégalitaires qu’aujourd’hui. Même un élève de 3ème comprend qu’une retraite exclusivement à points, calculée sur la totalité de la carrière, sera toujours plus défavorable qu’une retraite calculée sur les 25 meilleures années. La Suède et de l’Allemagne en apportent la confirmation en grandeur nature

Aujourd’hui, Laurent Berger et la direction de la CFDT sont donc au bord, comme leurs prédécesseurs de 1999, de commettre une imprudence aux conséquences incalculables pour les salariés Français. Incalculables aussi, à terme, pour la CFDT elle-même. Des milliers de responsables et de militants de base de la CFDT en ont conscience. Des dizaines de milliers d’autres vont le comprendre dans les semaines à venir. Il leur appartient d’en convaincre leurs dirigeants. Une course de vitesse est engagée. Vous pouvez les aider, en diffusant aussi largement que possible cette modeste contribution.

Il est triste de constater qu’en contribuant à la légalisation du contrat de travail en jours, puis en soutenant depuis 2003 tous les allongements du temps de travail pour une retraite à taux plein, les dirigeants successifs de la CFDT sont passés du slogan des années 70 « Travailler moins pour travailler tous » au soutien à l’idéologie du "Travailler plus pour gagner plus" de Sarkozy et aujourd’hui de Macron.

Une organisation syndicale peut être qualifiée de "réformiste", à longueur d’antenne et par les forces de droite. Cela ne l’autorise pas à soutenir une réforme des retraites à laquelle 75% des Français et toutes les autres grandes organisations syndicales sont fermement opposées (CGT, FO, FSU, CFE-CGC et Solidaires).

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