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Sarkozy, Hollande et le chômage de masse

dimanche 9 décembre 2012, par André Martin

Le chômage a été le thème oublié de la dernière campagne présidentielle, alors qu’il s’agit de la principale préoccupation des Français. Avez-vous entendu les Apathie, Pujadas, Lenglet, Namias … questionner les candidats sur leurs propositions pour éradiquer le chômage et la précarité ? Quand ? Où ?

Alors faisons le boulot à leur place. Concernant le chômage, regardons le bilan de Sarkozy et examinons les propositions de Hollande.

La plupart des réformes de Sarkozy ont augmenté le chômage

Certes le chômage a augmenté dans tous les pays. Mais Sarkozy a réussi la performance d’imposer 5 « grandes réformes » qui toutes ont contribué à l’augmentation du chômage. Qu’on en juge :

Sarkozy a tenté de vendre aux Français une revendication très ancienne du MEDEF : les accords compétitivité emploi. Or, les premiers accords qui seraient signés enclencheraient un processus généralisé de dumping social. Soit par augmentation du temps de travail à salaire inchangé, donc réduction du nombre d’emplois. Soit par baisse des salaires à durée du travail inchangée, donc réduction du pouvoir d’achat et de la consommation. Même les entreprises se refusant, dans un premier temps, à se lancer dans de telles régressions sociales y seraient bientôt contraintes par leurs concurrents qui n’auraient pas eu ces scrupules et auraient ainsi baissé leurs coûts de revient. Cette stratégie des accords de compétitivité emploi conduirait donc inéluctablement à une augmentation du chômage.

Quelles sont les grandes catégories mesures qui permettraient le retour au plein emploi ?

Réfléchissons avec notre tête. Et surtout pas avec celles de la vingtaine d’ « experts, chroniqueurs ou lobbyistes » qui squattent les grands médias pour nous expliquer les causes de la crise … qu’aucun parmi eux n’avait vu venir. On peut ranger en 3 grandes catégories les mesures de nature à faire reculer le chômage.

Catégorie 1 : toutes les mesures déjà mises en œuvre depuis 20 ans

  • celles destinées à booster la croissance
  • celles destinées à baisser le coût du travail
  • celles destinées à améliorer la formation professionnelle
  • tous les systèmes d’aides ou d’incitation : aides à la création d’entreprise, à la recherche, aux PME, aux filières d’avenir (économies d’énergie, reconversion énergétique, économie numérique, économie de la connaissance …)

Catégorie 2 : toutes les nouvelles mesures proposées aujourd’hui, mais qui seront longues et difficiles à mettre en œuvre en raison des oppositions et égoïsmes de toute nature

  • celles destinées à restreindre les délocalisations, à encourager le produire en France, à taxer les produits importés de pays ne respectant pas des normes sociales et environnementales minimales, …
  • celles destinées à renforcer la coopération européenne, à faire baisser l’euro surévalué, …
  • celles destinées à mettre au pas la finance et la spéculation, à supprimer les paradis fiscaux …
  • celles destinées à réduire et plafonner les profits distribués, c’est-à-dire les dividendes. Personne ne pouvant contester que la maximisation des dividendes a toujours pour corollaire, quelle que soit l’entreprise et son éthique, la minimisation du nombre d’emplois

Catégorie 3 : les mesures de solidarité et de bon sens permettant de proposer un emploi à toute personne ayant besoin d’un salaire pour vivre

  • celles de nature à inciter très fortement les entreprises à un partage négocié du temps de travail favorable à l’emploi

Les mesures de la catégorie 3 sont de nature très différente de celles des catégories 1 et 2. Elles se justifieront aussi longtemps que les mesures des catégories 1 et 2 n’auront pas permis d’éradiquer le chômage de masse. D’où leur qualificatif de mesures de « solidarité ». Comme les allocations de chômage ou les restos du cœur, on pourra s’en passer le jour où les mesures des catégories 1 et 2 permettront de proposer à tout citoyen un emploi, un revenu de substitution, ou le « salaire continué » théorisé par Bernard Friot (voir http://www.reseau-salariat.info/)

Depuis 30 ans, les gouvernements de droite comme de gauche, dans tous les pays, se sont généralement opposés aux mesures relevant de la catégorie 3. Soit par idéologie, soit sous la pression des lobbies patronaux (MEDEF etc …). Résultat : 30 ans de chômage de masse, de précarité et d’inégalités croissantes. C’est à l’aune de ces faits que les électeurs devraient toujours juger les propositions des candidats.

Les propositions de François Hollande peuvent-elles faire reculer significativement le chômage ?

Aucune mesure relevant de la catégorie 3 ! De plus, en déclarant vouloir privilégier le contrat sur la loi, Hollande s’est dangereusement rapproché de la philosophie qui inspire les accords de compétitivité emploi prônés par Sarkozy et le MEDEF. Examinons rapidement quelques propositions contenues dans le programme de Hollande :

  • le « contrat de génération » … une opération de communication totalement inapplicable et qui coûtera cher aux contribuables
  • « 150 000 emplois d’avenir » … ça donne un peu d’espoir à 150 000 jeunes, ça les sort de l’oisiveté, ça consiste à changer le pansement au lieu de penser le changement
  • « 60 000 postes supplémentaires dans l’éducation … sans augmenter le nombre total de fonctionnaires » … Bilan : aucune création nette d’emplois

Reste donc les 150 000 emplois d’avenir pour 5 millions de demandeurs d’emploi ! C’est insupportablement insuffisant. Certes Hollande et le PS nous promettent le retour à plus de croissance. Cette éternelle incantation à une croissance suffisamment forte pour faire reculer durablement le chômage est une duperie complète des citoyens. Puisque la croissance moyenne ne cesse de décroître depuis 3 décennies et tend vers zéro en 2012 et 2013 (voir tableau des prévisions sur http://alternatives-economiques.fr/... ). Premièrement la croissance passée a été artificiellement entretenue au prix d’un endettement colossal qui nous a conduit dans le mur en 2007/2008.Deuxièmement, dans un monde fini, la croissance ne peut pas se poursuivre éternellement. Surtout lorsque plusieurs milliards d’individus exigent légitimement leur part des ressources énergétiques et des matières premières de la planète.

Des dizaines d’économistes sérieux ont démontré, faits et chiffres à l’appui, pourquoi il faudra de moins en moins compter sur la croissance pour faire reculer le chômage. Citons 3 contributions pertinentes de Jean-Marie Harribey, Jean Gadrey et Pierre Larrouturou, parmi celles de dizaines d’autres économistes ... que les énarques au pouvoir se sont toujours refusés à écouter.

« Hausse du chômage : le point de vue de Jean-Marie Harribey, économiste »

« Questions à nos élu(e)s actuels et futurs sur la croissance et la post-croissance »de Jean Gadrey

« Vidéo d’une conférence de Pierre Larrouturou « Pour éviter le krach ultime »

Chaque citoyen a aussi un devoir de responsabilité et d’information

« La politique est l’art d’empêcher les gens de se mêler de ce qui les regarde » disait Paul Valéry.

C’est la raison pour laquelle, chaque citoyen a le devoir de faire des efforts pour s’informer à des sources sérieuses. S’il veut contribuer à préparer, pour ses enfants et petits-enfants, un monde avec moins de chômage et de précarité. Par exemple en commençant par lire les 3 contributions indiquées ci-dessus.

Résumé et conclusion

Ceux qui prétendent que la solution principale au chômage c’est la croissance et que le partage du temps de travail est une mauvaise solution sont soit ignorants, soit malhonnêtes. Même un enfant du CM2 comprend que le chômage de masse et la précarité actuelles constituent un partage du temps de travail. Mais un partage imposé, violent et injustifiable qu’il faudra bien un jour remplacer par un autre partage plus équitable.

Le chômage ne pourra être éradiqué, que lorsque une majorité de citoyens aura exigé et obtenu un partage du temps de travail, aussi longtemps que les autres mesures se seront révélées insuffisantes. En 2012, deux forces politiques seulement, Europe Ecologie Les Verts et le Front de Gauche, ont le courage de proposer la solidarité que constitue le partage négocié et organisé du temps de travail.

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