Bizarre qu’on mobilise tant de bonne volonté, tant de générosité alors que depuis des années on casse systématiquement le service public de santé et de recherche.
On ferme des hôpitaux, on ferme des maternités, on ferme des dispensaires. On étrangle les hôpitaux publics pour ouvrir des parts de marché aux cliniques privées, aux secteurs privés des hôpitaux.
Nos Universités sont des taudis qui font pitié. On taille chaque année dans les crédits du CNRS, de l’INSERM, de l’INRA. Et on va dire « Oh mon dieu, la recherche française n’est plus ce qu’elle était. Elle ne répond plus à nos besoins. Donnez, donnez pour financer la recherche médicale. »
Finalement ce téléthon, c’est quoi ? Un immense élan de générosité (certes lancé, encouragé et encadré par un énorme business-média) mais qui mobilise de larges masses de la population. C’est une sorte de sursaut vital de la société civile qui sentant confusément que « tout fout le camp » se mobilise pour faire une immense collecte et tenter ainsi de combler les vides financiers de la recherche publique et de la santé.
C’est très bien de réinventer l’eau chaude mais on avait déjà un système de collecte remarquable : la sécu, qui prélevait des fonds à tout le monde, de manière équitable : « de chacun selon ses revenus », y compris pour les entreprises. Mais depuis fort longtemps les cotisations patronales (rebaptisées « charges » !) n’ont cessé de baisser alors que les cotisations salariales n’arrêtent pas d’augmenter. Les remboursements eux, diminuent ouvrant un boulevard aux compagnies d’assurance privées. Elles pourront, c’est vrai, reverser un chèque au téléthon (à grand renfort de fanfares et de projecteurs), de même pour BNP, Crédit Agricole et autres « bienfaiteurs de l’humanité ».
Donc en résumé, après avoir cassé la sécu, cassé le service public de santé, cassé la recherche publique, on tente de re-bricoler un système de remplacement en mobilisant le dévouement et l’ardeur de millier de bénévoles dans tous les coins de France.
Si le Petit Prince revenait faire un tour parmi nous, sûr qu’il trouverait que décidément, les terriens sont des gens vraiment bizarres.
René Moré (Le Thor 84)