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Des recommandations de l’IGAS contraires à l’intérêt général sur le cumul emploi retraite

vendredi 26 octobre 2012, par André Martin

L’Inspection Générale des Affaires Sociales, après avoir auditionné 63 personnes « qualifiées », a publié en juin 2012 un rapport de 200 pages intitulé « Evaluation du cumul emploi retraite ».

200 pages pour dire qu’on ne sait presque rien sur le cumul emploi retraite

Les rapporteurs signalent à de nombreuses reprises que les statistiques font défaut pour analyser correctement l’étendue du cumul emploi retraite (CER) et ses conséquences. Par exemple, on lit à la page 26 : « Les données publiées par la DREES fournissent des éléments globaux sur les cumuls intra et inter des principaux régimes mais il s’agit de données anciennes et partielles portant sur la génération 1942 »… Des données donc portant seulement sur les personnes âgées de 70 ans en 2012 !

Même en l’absence de statistiques portant sur les années 2010 et 2011, il eut été possible et souhaitable d’analyser quelques conséquences de la dérèglementation intervenue à compter de 2009. Il suffit de regarder autour de soi (amis, parents, collègues) pour constater que cette dérèglementation conduit à une augmentation des CER, particulièrement parmi les salariés aisés. Pas une remarque non plus sur les conséquences négatives du CER pour les demandeurs d’emploi.

Ainsi, l’utilité et la pertinence de ce rapport semblent inversement proportionnels à son volume. L’un des rares intérêts du rapport est néanmoins de rappeler l’historique complexe des réglementations et dérèglementations successives du CER.

Une incohérence, une affirmation biaisée et aucune préconisation pour mettre fin aux abus actuels

L’IGAS rappelle que l’un des buts poursuivis via l’incitation au CER est d’augmenter le taux d’activité des seniors qui est particulièrement faible en France. Or l’augmentation du taux d’activité des seniors est lui-même généralement justifié par la nécessité d’alléger les comptes déficitaires des caisses de retraite. Si à la sortie on verse des pensions confortables à des personnes qui continuent à toucher des salaires confortables, c’est le serpent qui se mord la queue. Cette incohérence majeure semble avoir échappé à la sagacité de nos 63 personnes « qualifiées ».

Les rapporteurs affirment que cette dérèglementation n’entraîne pas, sur le long terme, un surcoût significatif pour les régimes de retraite. Sauf que cette affirmation est biaisée voire ridicule, puisqu’elle repose sur la situation scandaleuse actuelle que l’on peut résumer ainsi : en permettant à des dizaines de milliers salariés de cumuler un salaire confortable avec une pension de retraite confortable, les caisses ne seraient pas perdantes. Puisqu’elles versent certes des pensions, mais qu’elles continuent ainsi à engranger les cotisations de ces salariés sans que ces cotisations ne continuent à produire des droits (accumulation de points pour les retraites complémentaires ...). Et tout en bloquant les compteur de surcote ... qui sinon aurait coûté bonbon aux caisses ultérieurement et pendant toute la durée de la pension.

Depuis la dérèglementation de 2009, on constate autour de soi qu’il y a de plus en plus de personnes qui continuent à travailler avec un salaire confortable, tout en ayant liquidé leur confortable retraite. Il n’est apparemment pas venu à l’idée de ces 63 personnes « qualifiées » de préconiser des limitations en matière de sommes cumulées.

L’IGAS aurait fait œuvre utile en préconisant une règlementation de bon sens du style :

1) en dessus d’un certain seuil de salaire (par exemple 5 000 € mensuels) il n’est pas possible de demander la liquidation de ses différentes pensions, même si les conditions d’âge et d’annuités sont remplies

2) en dessus d’un droit à pensions cumulées (par exemple de 5 000 €), calculées au moment où les conditions d’âge et d’annuités sont remplies, la prolongation de l’activité ne génère pas de surcote et les cotisations ne produisent pas des droit supplémentaires.

3) le cumul d’un salaire et d’une retraite est possible, mais dans ce cas le total est plafonné (par exemple à 5 000 €)

Une telle règlementation de bon sens conduirait immédiatement à des économies de plusieurs centaines de millions d’euros par an pour les régimes de retraite.

Quelques informations qui retiennent l’attention

On peut néanmoins picorer dans le rapport (voir la synthèse aux pages 3 à 8) quelques informations utiles, comme par exemple :

« Les données des directions ministérielles statistiques sont incomplètes ou peu fréquentes … Il n’existe pas d’outil statistique permettant de rendre compte de façon annuelle de l’évolution du cumul emploi retraite dans tous les régimes »

« Par ailleurs, la mission tient à signaler la situation des bénéficiaires du minimum vieillesse qui ne peuvent de fait cumuler leur prestation et un revenu d’activité, puisque cette situation aboutit mécaniquement à baisser le montant de leur prestation et donc à annuler le bénéfice financier de la reprise d’activité »

« Quel que soit le régime considéré, les retraités-actifs sont plus souvent des hommes, avec un niveau de pension supérieur aux autres retraités, majoritairement en activité au moment de la retraite … »

« L’impact financier du cumul emploi retraite est positif pour les régimes de retraite, même s’il pèse sur la trésorerie à court terme »

« La mission préconise que le nouveau dispositif de cumul emploi retraite ne soit pas plafonné et qu’un débat puisse avoir lieu au sein du Conseil d’orientation des retraites (COR) sur l’âge auquel il semble pertinent de permettre un accès au cumul emploi retraite »

Incroyable : alors que ces 63 "experts" affirment ne disposer d’aucune statistique pour analyser les conséquences du déplafonnement du CER intervenu en 2009, ils se permettent de préconiser le maintien de ce déplafonnement. Le rapport de l’IGAS n’avait visiblement pas, parmi ses objectifs, la préconisation d’aménagements du CER dans le sens de l’intérêt général et de la réduction des inégalités devant l’emploi et la retraite.

Les autres « recommandations de la mission » à la page 71 sont d’une remarquable insignifiance, hormis celle demandant la mise en place d’un suivi statistique sérieux du CER.

Chaque citoyen peut et doit peser dans le bon sens, en signant et en faisant signer la pétition sur http://www.retraites-enjeux-debats.org/spip.php?article809

Voir le rapport de l’IGAS dans le fichier ci-dessous.

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