Quand les groupes de pression montent au créneau : Remarques sur un article publié dans Les Echos du 07/04/10 intitulé
« Retraites : cessons d’abuser des générations futures »
par Nicolas Marques : chercheur associé à l’institut économique Molinari
Et c’est reparti. Pouvoirs publics et partenaires sociaux préparent activement le rendez-vous des retraites de 2010 pour lequel Nicolas Sarkozy a demandé que « tout soit mis sur la table ».
Remarque : tout ? vraiment tout ? même la stagnation des salaires et l’augmentation des dividendes ?
"chute de la part de la masse salariale de 8 points au cours des dernières décennies et explosion des dividendes, qui sont passés de 3,2 % du PIB en 1982 à 8,5 % en 2007"
Le calendrier et les positions de départ sont connus et chacun affûte ses arguments, tandis que le Conseil d’orientation des retraites (COR) prépare le matériau censé éclairer le débat. L’objectif est, comme à l’accoutumée, de s’entendre pour dégager des actions un minimum consensuelles. Quoi de plus rassurant que de voir partenaires sociaux et pouvoirs publics travailler ensemble sur ce sujet qui inquiète à juste titre les Français ?
Remarque : Qui peut être rassuré puisque les objectifs du Medef et des Organisations Syndicales des salariés sont évidemment antagonistes ? L’arbitrage d’un gouvernement qui est incapable de faire reculer le chômage de masse et qui a autorisé le cumul d’un emploi et d’une retraite à taux plein, sans conditions de revenu, n’est pas de nature à rassurer.
Pourtant, à y regarder de plus près, ce processus est loin d’être transparent et sans failles.
En effet, en matière de retraites, tout se négocie, à commencer par ce que l’on peut dire ou ne pas dire. Pas question de heurter les syndicats ou d’inquiéter inutilement les Français.
Remarque : Pourtant les objectifs du Medef sont clairs : passer l’âge de départ à la retraite à 65 ans dans un premier temps et pas un sou de plus pour les retraites ...
Les simulations préparées pour le Conseil d’orientation des retraites ne font pas exception à la règle. Deux scénarios seront construits, avec une hypothèse de taux de chômage à 4,5 % en 2024 et une moins optimiste, retiendra un chômage à 7 % en 2022. Or ces taux de chômage, inférieurs de 4,5 % et de 2 % au chômage actuellement mesuré, n’ont jamais été atteints depuis des décennies. Il faut en effet remonter à 1978 pour constater un chômage à 4,5 % et à 1982 pour un chômage à 7 %. Les projections censées éclairer le débat reposent donc sur un pari, celui d’une baisse significative du chômage. Ce même pari avait été fait lors du dernier exercice de simulation, en 2007, ce qui explique comment un niveau important de déficit attendu pour 2020 sera déjà atteint cette année.
Officiellement, il n’y a pas de quoi s’inquiéter. L’exercice de simulation de 2007 se serait révélé erroné en raison de la crise, par nature imprévisible. Une fois cette dernière surmontée, tout devrait rentrer dans l’ordre. Le chômage devrait baisser, notamment en raison de la diminution de la population active en âge de travailler. Pourtant, il n’est pas sûr que l’avenir soit si radieux. De la même façon qu’il ne suffit pas de baisser le temps de travail pour réduire le chômage,
Remarque : L’auteur de l’article devrait relire « Les moyens d’en sortir » publié en 1997 par Michel Rocard. On pouvait lire en 4ème de couverture : « L’inexorable montée du chômage démontre l’inefficacité de toutes les techniques utilisées pour le combattre … On ne luttera efficacement contre le chômage massif que par la réduction massive du temps de travail. Toute la question est : comment faire ? ».
il est possible que le vieillissement s’accompagne de taux de croissance moins importants et d’une persistance du chômage à des niveaux élevés, ce qui ne simplifiera pas l’équilibrage des comptes de l’assurance-vieillesse.
Remarque : si le taux de croissance ne profite qu’aux dividendes, le chômage ne diminue pas et l’équilibrage des comptes de l’assurance-vieillesse ne peut être assuré que par la taxation des dividendes.
Aussi il est à craindre que les pouvoirs publics se préparent, une fois de plus, à prendre des décisions a minima. Depuis quelques années, on assiste à une dérive des retraites du privé, la Caisse nationale d’assurance-vieillesse ressemblant de plus en plus au système des retraites du public. Fonctionnant sur une base de répartition depuis sa création, elle devrait se contenter de distribuer des pensions aux retraités dans la limite des cotisations prélevées sur les actifs.
Remarque : C’est ce que l’on appelle un système à cotisations définies. Or, faire cotiser les « 20 – 50 ans » sans qu’ils n’aient aucune idée du montant des pensions que cela leur génèrera, n’est-ce pas abuser les générations de jeunes actifs ?
Vu le contexte démographique, le bon sens aurait même dû la conduire à distribuer moins de prestations que les cotisations encaissées, pour constituer des réserves, à l’image de ce qui a été fait par l’Agirc et l’Arrco, et dans nombre de régimes de répartition étrangers, tel l’Oasdi nord-américain.
Or la CNAV, devenue déficitaire depuis 2005 et pour laquelle l’horizon de retour à l’équilibre n’est pas connu, distribue désormais structurellement plus de prestations que ce qu’elle encaisse.
Remarque : Ce qu’elle encaisse est donc insuffisant, mais l’auteur ignore sciemment qu’il pourrait y avoir une diversification des ressources ... et surtout une autre répartition des richesses.
Ce faisant, elle s’est écartée de la logique de répartition qui était la sienne pour se rapprocher du mode de fonctionnement des retraites des fonctionnaires, en grande partie financées via l’impôt et la dette. Cette dérive est inquiétante. Comme l’expose la Cour des comptes dans son dernier rapport, le recours au déficit et à l’endettement fait en effet peser une « charge indue » sur les actifs des générations futures.
Remarque : En effet, sauf si le chômage diminue et si les ressources sont étendues à tous les éléments de revenus qui échappent aujourd’hui aux cotisations sociales. C’est ce qu’on appelle la solidarité.
Pour rompre avec cette spirale, il conviendrait a minima de garantir l’équilibre comptable de la répartition et d’aider les Français à se constituer une retraite complémentaire.
Remarque : Question à l’auteur de l’article : pourquoi ce qui ne serait pas finançable en répartition deviendrait finançable en capitalisation ?
La meilleure solution pour atteindre un équilibre annuel des comptes, ou à défaut s’assurer que d’éventuels dérapages soient rapidement compensés par des économies, consiste probablement à modifier la répartition en optant pour un fonctionnement en points ou en comptes notionnels. Ces méthodes permettent en effet de faire évoluer les règles d’attribution de droits au fil de l’eau, sans conditionner les ajustements à l’émergence d’un consensus politique et à des révisions législatives.
Remarque : L’auteur devrait lire sur http://www.retraites-enjeux-debats.org/spip.php?article50 l’exposé fait devant le COR par Henri Sterdyniak " Retraites, à la recherche de solutions miracles ..."
Cette évolution est d’autant plus importante que la crise actuelle rend illusoire tout équilibrage des comptes via une hausse des cotisations sociales. Ces dernières, déjà à un niveau très élevé, ne pourraient être augmentées sans dégrader plus encore l’activité et donc les comptes sociaux.
Remarque : sauf à prendre sur les dividendes versés aux actionnaires, puisqu’ils sont passés de 3,2 % du PIB en 1982 à 8,5 % en 2007
En contrepartie, il faudra bien évidemment permettre aux Français de faire face à la baisse tendancielle des taux de remplacement liés à la répartition en épargnant plus.
Remarque : Pouvoir épargner …, beaucoup de salariés en rêvent. La réalité c’est que ceux qui parviennent à épargner pour acheter leur résidence principale s’estiment déjà heureux.
C’est un enjeu d’autant plus important que les transferts publics représentent en France 85 % des revenus des personnes de plus de soixante-cinq ans, soit un record dans les pays de l’OCDE, en moyenne à 61 %.
Remarque finale : Après avoir lu cet article de Nicolas Marques (chercheur associé à l’institut économique Molinari), on ne sera pas surpris de lire dans Wikipédia : « L’institut économique Molinari (IEM) est un think tank basé à Bruxelles fondé en 2003. C’est un organisme de recherche et d’éducation. Il se donne pour mission d’influencer les parlementaires, les journalistes et les faiseurs d’opinion dans le but de favoriser une politique économique libérale. À cette fin, l’institut organise des événements, publie des livres, écrit des articles et des éditoriaux. Il a été baptisé du nom de Gustave de Molinari, économiste et journaliste franco-belge, qui a oeuvré toute sa vie à promouvoir cette approche. »