Les syndicats avaient appelé à des rassemblements mardi, jour de l’examen de la réforme des retraites en Conseil des ministres. L’inflexibilité de Nicolas Sarkozy lors de sa prestation télévisée ne les impressionne pas.
Ce fut la course avant l’heure. Hier, à Chambéry, point de départ de la 10e étape du Tour de France, Bernard Thibault a donné le top départ de « l’étape pour la victoire des retraites » à laquelle participaient une soixantaine de militants syndicaux, juchés sur des vélos où l’on pouvait lire : « Pas touche aux retraites. »Le secrétaire général de la CGT voulait signifier, comme la veille devant le ministère du Travail, qu’il n’y aura aucun répit cet été dans le bras de fer engagé avec le gouvernement.
Des rassemblements partout en France
Mardi, alors que le projet de loi sur la réforme des retraites était présenté en Conseil des ministres, l’intersyndicale avait appelé à des rassemblements un peu partout en France. Les leaders syndicaux manifestaient sous les fenêtres d’Éric Woerth, en compagnie de plusieurs centaines de syndicalistes, drapeaux et banderoles déployés. « Ce jour est un grand jour, vous vous en souviendrez », a lancé le président de la République à ses ministres. Mais loin des rodomontades élyséennes, la droite préférait un huis clos frileux, fermant à la presse le débat de la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale, où le ministre du Travail a présenté son texte. Cependant, si le débat public à l’Assemblée nationale débute le 7 septembre, les députés devraient entendre parler de la retraite durant les vacances parlementaires. « Quand le salarié qui a commencé son travail à dix-huit ans ira demander à son député pourquoi il doit cotiser quarante-quatre ans, quand le charpentier demandera à son député s’il est normal qu’il monte sur les toits jusqu’à soixante-deux ans, ce sera plus difficile pour lui de voter la réforme », assure un responsable francilien de la CFDT. Involontairement, Nicolas Sarkozy aura peut-être donné un coup de main à la mobilisation. Sa prestation télévisée a été ressentie comme un défi par les responsables syndicaux. Alain Olive, secrétaire général de l’Unsa, relève que les hauts revenus ne sont mis à contribution qu’à la marge, « pour 280 millions d’euros seulement ». Pour François Chérèque, secrétaire général de la CFDT, la réforme est mauvaise « de fond en comble » et le chef de l’État est « resté sourd ». La secrétaire générale de la FSU, Bernadette Groison, s’indigne du « cynisme dont a fait preuve le président de la République. Pas un mot pour les chômeurs, pas un mot pour les jeunes, il ne gouverne pas pour les salariés ». « Il est apparu comme le chef d’une caste », renchérit le porte-parole de Solidaires, Pierre Khalfa.
La CGT a recueilli plus de 530 000 cartes pétition
« Ce n’est pas le premier, et ce ne sera sans doute pas le dernier président de la République ou chef de gouvernement à revenir sur une décision après avoir dit qu’il ne bougerait pas », a lancé Bernard Thibault, résumant l’opinion générale. La CGT a déjà recueilli plus de 530 000 cartes pétition. « Tout va dépendre de la mobilisation cet été et pour la journée nationale du 7 septembre », répètent les dirigeants syndicaux. Y compris René Valladon, secrétaire confédéral de FO, qui confirme son retour dans l’intersyndicale. Le 7 septembre pourrait ne pas être un simple rendez-vous de rentrée mais la manifestation d’un nouveau rapport des forces. Présents dans le rassemblement syndical, les dirigeants du Front de gauche, Jean-Luc Mélenchon, du Parti de gauche, et Pierre Laurent, secrétaire national du PCF, appellent eux aussi à la mobilisation durant tout l’été.
Olivier Mayer
Retraites. Points de vue
Les organisations syndicales sont regroupées de manière unitaire Dominique Fabre (CFDT)
« La réforme des retraites continue à creuser des inégalités, elle traite la pénibilité de la plus mauvaise façon qui soit, elle reconnaît qu’il y a des problèmes de financement mais ne les règle pas… Ce ne sont que des échantillons des propositions que nous faisons à propos de l’emploi, des financements, pour taxer la fiscalité des hauts revenus : il faut oser aller plus loin ! Aujourd’hui nous espérons que le gouvernement comprendra que les organisations syndicales sont regroupées de manière unitaire pour montrer leur détermination. »
Continuer à mettre la pression au cours de l’été Jean-Claude Grenier (CGT)
« Nous allons continuer de mettre la pression tout l’été. On a l’impression que ce sont toujours les mêmes qui payent, il faut que le patronat contribue également à financer les retraites. Le problème de la pénibilité est aussi très important : je suis un retraité de la construction et on se rend compte qu’à cinquante, cinquante-cinq ans, les salariés ne peuvent pas continuer… À la rentrée, la jeunesse, qui ne participait pas aux manifestations à cause du bac, va se mobiliser, donc je crois qu’il y aura beaucoup de monde pour se faire entendre. »
Vers un durcissement de la mobilisation Patrice Jeanne (FO)
« Tous les salariés vont payer la facture. Nous, on espère que la mobilisation va se durcir. D’après ce qu’a dit Nicolas Sarkozy pendant son intervention télévisée le 12 juillet, on aura beau défiler à 3 ou 4 millions, il ne changera pas d’avis, donc il ne nous laisse que le choix de bloquer l’économie du pays pour inverser le rapport de forces. Les syndicats se réuniront à la fin du mois d’août pour préparer la suite de la mobilisation. Il faut aller au-delà des manifestations et déclencher un mouvement qui paralysera la France, comme en 1995, en unissant tous les syndicats. »
"les carottes ne sont pas cuites", selon François Chérèque (CFDT)
Le secrétaire général de la CFDT, François Chérèque, a estimé lundi que "les carottes ne sont pas cuites" pour la réforme des retraites, affirmant que les syndicats peuvent "faire pression" sur les députés pour infléchir le projet de loi.
"A l’inverse de ce que j’entends, les carottes ne sont pas cuites : ce sont les députés qui font la loi, elle peut encore changer et on va faire pression sur les députés pour qu’ils changent cette loi" sur la réforme des retraites, a-t-il déclaré au micro de RFI.
Présenté mardi en Conseil des ministres, le projet de loi sur les retraites, qui prévoit le recul de l’âge légal de départ à 62 ans, est débattu à partir du 20 juillet à la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale, avant d’être discuté en séance plénière à partir du 6 ou du 7 septembre.
"En démocratie, ce n’est pas le président de la République qui fait les lois, ce sont les députés", a martelé le secrétaire général de la CFDT, avant de souligner : "maintenant, le texte de loi n’appartient plus au gouvernement mais à l’Assemblée nationale".
"C’est la raison pour laquelle nous allons aller voir cet été tous les députés les uns après les autres. C’est eux qui vont prendre leurs responsabilités, on va leur rappeler que l’élection de 2012, ce n’est pas qu’une présidentielle c’est aussi une élection législative", a-t-il prévenu.
Interrogé sur les points sur lesquels le gouvernement s’est dit prêt à discuter (pénibilité, polypensionnés, carrière longues), le leader de la CFDT a répondu : "si cette loi provoque autant d’inégalités (...) s’il y a autant de défauts, c’est l’ensemble de la loi qu’il faut revoir".
"Mais inévitablement, tout ce que l’on pourra arracher dans le débat parlementaire, on le fera sur ces sujets-là", a-t-il ajouté.