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Manuel Valls celui qui un jour a essayé de vendre sa loi travail à un syndicaliste !

samedi 12 mars 2016, par André Martin

L’entretien s’est déroulé dans le bureau du Premier Ministre

Valls : Bonjour, … Merci d’avoir répondu à mon invitation. L’heure est grave. Le Président est furieux. Il ne comprend pas les raisons d’une telle levée de bouclier, alors que nous avions pris la précaution d’écrire le projet de loi avec Pierre Gattaz et Laurent Berger de la CFDT. Moi non plus, je ne comprends pas. J’ai besoin d’y voir plus clair, c’est pour ça que vous êtes ici.

Le syndicaliste : oui, enfin Pierre Gattaz et Laurent Berger ce sont eux qui avaient promis que l’Accord National Interprofessionnel du 11 janvier 2013 permettrait une baisse du chômage, en assouplissant le droit du travail. Vous avez vu le résultat ? Fin 2013 : 3 307 000 chômeurs de catégorie A et 3 590 600 à fin 2015 !

Valls : Restons-en à notre sujet si vous le voulez bien. Vous étiez ingénieur technico-commercial et délégué syndical CFDT pendant 20 ans dans une grande entreprise. Sur votre site vous défendez des idées sur le droit du travail, le chômage de masse, les retraites ... et on peut supposer que vous êtes un électeur de gauche ?

Le syndicaliste : exact, j’ai même était pendant 20 ans adhérent au PS. Si vous voulez on peut se tutoyer ...

Valls : pas de souci. Toi qui as été délégué syndical, tu as bien constaté que le Code du travail est beaucoup trop volumineux et complexe

Le syndicaliste : tiens, allons sur http://www.editions-dalloz.fr/codes.html : code civil (3 128 pages), code du commerce (3 790 pages), le code pénal (3 278 pages), code de l’urbanisme (3 700 pages), code de la sécurité sociale (3 500 pages), code du travail (3 860 pages) ... Pourquoi le Medef et les politiques utilisent-ils cet argument uniquement à l’encontre du code du travail ?

Ces codes sont volumineux parce qu’on y trouve aussi les principales décisions de justice qui se sont avérées nécessaires pour interpréter les textes de loi. C’est ce qu’on appelle la jurisprudence. En Allemagne, le code du travail comporte 3000 pages, avec une partie normative plus réduite qu’en France et une partie jurisprudence plus importante.

Valls : OK t’as raison, le vrai problème c’est plus la complexité du CT que son volume

Le syndicaliste : le CT a augmenté en volume et en complexité au fur et à mesure que le législateur ajoutait des droits à dérogation, qu’ils soient fondés ou non. En introduisant de nouvelles règles et de nouvelles possibilités de dérogation, ton projet de loi augmenterait encore la complexité du CT, sous prétexte de le simplifier. Il suffit de jeter un œil aux 131 pages du projet de loi pour le comprendre.

La vérité est que le Medef et la plupart de ceux qui soutiennent ce projet de loi estiment que le CT est trop protecteur pour les salariés. Comme ils ne peuvent pas l’avouer, ils utilisent le prétexte du volume et de la complexité. Le fond de leur pensée a été résumé par Laurence Parisot dans sa phrase célèbre « La liberté de penser s’arrête là où commence le code du travail ».

Valls : OK, ce jour là elle aurait mieux fait de se casser une jambe ... Le véritable problème avec la complexité du code c’est pour les TPE/PME qui ne disposent pas d’un service juridique

Le syndicaliste : les dirigeants des TPE/PME ont toute possibilité, quand ils en ont besoin, de faire appel aux conseillers juridiques de leurs organisations patronales, dont la CGPME. Ils peuvent aussi se faire conseiller auprès des Directions Départementales du Travail, de l’Emploi et de la Formation Professionnelle. S’il manque des conseillers juriques, embauchez-en. Je te signale que les salariés, les élus du personnel et les délégués syndicaux, eux aussi doivent parfois faire appel à des conseillers juridiques.

Valls : Bon d’accord, oublions le volume, oublions la complexité, parlons du texte et de sa mesure phare : le compte personnel d’activité (CPA) qui vise à sécuriser les parcours professionnels

Le syndicaliste : oui, j’ai lu effectivement sur http://www.gouvernement.fr/loi-travail que le CPA serait la « mesure phare de la loi travail, ... une véritable révolution et un progrès social »

Dis donc, la sécurisation des parcours professionnels ça fait combien d’années qu’on la fait miroiter aux salariés ? Sur Argumentaire - Sécurisation des parcours, la CFDT veut obtenir de nouvelles garanties on apprend qu’il y a des négociations en cours depuis ... 2008. A la rubrique Tout savoir sur le compte personnel d’activité (CPA) j’ai trouvé seulement 2 mesures concrètes : « Désormais, les jeunes qui ont accompli une mission de service civique auront droit à 20 heures sur leur CPA ». Et dans une autre rubrique « un abondement de 400 heures au CPA pour aider les jeunes décrocheurs à acquérir un premier niveau de qualification ».

Ben dis donc, un droit à 3 mois de formation pour ceux qui ont quitté l’école à 16 ans ... ils en ont obtenu des avancées les syndicats réformistes en 7 ans de négociation ! Ce serait pas un peu une coquille vide votre CPA ?

Valls : OK, on essaiera de la remplir ...

Le syndicaliste : ... parce que tu penses être ministre sous Juppé ?

Valls : je ne t’ai pas invité pour parler de ça. Revenons à notre sujet. On ne peut pas conserver les rigidités actuelles. Chaque entrepris a ses spécificités, tu le sais bien. Il faut donc élargir le champ des négociations dans l’entreprise, permettre la négociation au plus près des réalités, faciliter la consultation des salariés par référendum

Le syndicaliste : tout se discute déjà dans les entreprises via les délégués du personnel, le comité d’entreprise, les délégués syndicaux et les CHSCT ... Mais donner toujours plus d’importance aux accords d’entreprise c’est ouvrir la porte à des distorsions de concurrence entre les entreprises d’une même branche.

Quand dans un secteur d’activité donné, une ou plusieurs entreprises baissent les majorations pour heures supplémentaires, ou augmentent le temps de travail à salaires maintenus, ou en passant un maximum de salariés au contrat de travail en jours, elles baissent ainsi le coût du travail. Les autres entreprises du secteur sont quasiment obligées de faire de même, sous peine de se faire piquer de plus en plus de commandes. C’est une spirale sans fin de dumping social et salarial.
La seule façon d’éviter cette spirale sans issue, c’est de donner aux seuls accords de branche le droit de déroger à certaines règles sur la durée et les conditions de travail. Comme cela a été le cas dans toute la 2nde moitié du XXème siècle. Inverser la hiérarchie des normes, c’est revenir au chacun pour soi, à la concurrence de tous contre tous. C’est revenir un siècle en arrière. C’est comme si on autorisait chaque ville à négocier des dérogations au code de la route ou chaque département à négocier des dérogations au code pénal.

Valls : Non mais c’est quoi cette réaction crypto-marxiste, tu es à la CFDT ou à la CGT ? Nous, nous pensons que les entreprises ont besoin de pouvoir ajuster rapidement leurs effectifs en fonction de leurs carnets de commande. Point barre !

Le syndicaliste : les procédures de licenciement économique sont beaucoup plus simples et rapides pour les PME/TPE. Les milliers de « plans sociaux » de ces dernières années sont la preuve qu’il est assez facile de licencier. Tu devrais lire les explications d’un ancien PDG de Rhône-Poulenc Agro, dans "Licenciement économique : les grands groupes touchent le gros lot"

En cas de baisse d’activité temporaire ou durable, les entreprises ont de très nombreuses possibilités pour adapter la durée et l’organisation du travail : renoncer aux heures supplémentaires, chômage partiel indemnisé par l’état, incitations aux départs volontaires, annualisation du temps de travail, incitations temporaires au temps partiel, réduction des profits distribués.

N’as-tu pas remarqué que la quasi-totalité des entreprises supprimant des emplois continuent néanmoins de distribuer des dividendes ? Le véritable objectif des actionnaires des grandes entreprises est de réduire le coût des licenciements économiques. Et de pouvoir licencier facilement une partie des anciens qui leur coûtent cher, ou qui ne sont pas assez dociles, pour les remplacer par des jeunes avec des salaires très inférieurs.

Valls : OK, c’est vrai que le Medef nous en demande toujours plus ... mais il est quand même évident que si on accorde trop de sécurité aux inclus, c’est au détriment des exclus qui mettent des années à trouver un CDI. C’est condamner les jeunes et les moins qualifiés aux CDD ou à l’interim. Nous refusons ce mur entre les inclus et les exclus

Le syndicaliste : ça c’est votre argumentation et celle des économistes signataires de la pétition Le projet de loi El Khomri représente une avancée pour les plus fragiles . En schématisant à peine, vous proposez de déshabiller les smicards en CDI pour habiller les SDF.

Le mur n’est pas entre ceux qui sont en CDI et ceux qui sont en CDD. Il y a bien un mur, mais il est entre les millions de salariés contraints de travailler 50 ou 60 heures par semaine (dont les 3 millions de forfaits jours) et ceux qui sont contraints de travailler 0 heures ou en temps partiel subi. De ce partage inhumain et sauvage du temps de travail, ils n’en parlent jamais ces 30 économistes bien à l’abri du besoin, bardés de diplômes et de certitudes qui tentent de venir au secours du gouvernement. On pourrait suggérer aux moins bornés d’entre eux de lire l’analyse de la présidente de l’Association syndicale des magistrats belges intitulée Le néolibéralisme est un fascisme

Valls : je dirai à Jean Tirole, notre prix Nobel d’économie, de lire cette analyse, moi je n’ai pas le temps de lire ... Par contre tu ne pourras pas contester que 90 % des embauches soient des CDD. C’est bien la preuve que nous avons un marché du travail à 2 vitesses

Le syndicaliste : dans La loi El Khomri, intox à gogo j’ai appris l’existence des CDD d’usage qui peuvent être inférieurs à une semaine. Ils sont autorisés notamment pour les techniciens et artistes du spectacle. Leur nombre a explosé. Une seule et même personne qui signe 30 CDD dans l’année est donc comptée pour 30 embauches. Le chiffre de 90 % d’embauches en CDD n’a donc strictement aucune signification. C’est un argument malhonnête.

Valls : oui, nous avons pris quelques arguments chez Gattaz ... Avançons ... En tant que cadre tu avais probablement un contrat de travail en jours. Tu ne peux pas contester que ce soit plus souple pour le salarié et pour l’employeur

Le syndicaliste : j’ai pu me permettre de refuser ce type de contrat, malheureusement légalisé dans les lois Aubry. François Hollande, premier secrétaire du PS à l’époque, Nicole Notat secrétaire nationale de la CFDT nous promettaient que le contrat de travail en jours concernerait au maximum quelques dizaines de milliers de cadres. Or il y a aujourd’hui Près de 3 millions de salariés corvéables à merci, à cause du contrat de travail en jours ... et le burn out menace 3 millions de salariés en France

Valls : ah bon ! ... Alors comment expliques-tu qu’à EDF la CFDT et la CFE CGC viennent de donner leur accord pour faire passer ses 26 000 cadres au contrat de travail en jours ?

Le syndicaliste : c’est triste, mais ça ne m’étonne pas. En 1999, la CFDT avec Nicole Notat à sa tête a soutenu activement la légalisation de ce type de contrat. Ce ne serait pas un peu pour ce genre de services rendus qu’elle est présidente du club de l’oligarchie Le Siècle depuis 2011 ? Et que vous ne ratez aucune occasion de vanter l’esprit de responsabilité des dirigeants de la CFDT ... que je ne confond pas avec les militants CFDT en général.

Ceci étant dit, ce n’est peut-être pas sans lien avec la situation de quasi faillite d’EDF qui va devoir faire des économies drastiques et réduire les effectifs en faisant travailler plus ceux qui restent. Le forfait jours est fait pour ça. Sauf que ça contribue à l’augmentation du chômage et des burn out. C’est donc un transfert des coûts vers la Sécurité sociale et les caisses d’indemnisation du chômage.

Valls : on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs ... Venons-en à l’essentiel : la flexisécurité est incontournable puisqu’elle a permis aux pays nordiques de faire quasiment disparaître le chômage

Le syndicaliste : même des personnalités plutôt favorables à ton projet de loi reconnaissent qu’il organise la flexibilité mais que volet sécurité a été complètement oublié. Ils affirment qu’on ne pourra jamais faire accepter plus de flexibilité aux millions de salariés qui craignent de perdre leur emploi, si on ne commence pas par donner plus de sécurité. C’est ce qu’explique Jacques Attali dans : « Pour saboter l’idée de la flexibilité, on ne s’y serait pas pris autrement » , Philippe Aghion dans « Il faut un bon équilibre entre réduction de l’incertitude et droits des salariés » et de bien d’autres.

Dans les pays scandinaves la flexisécurité a été mise en place à l’époque où le chômage était très bas. Et des syndicats puissants veillent au maintien d’un partage intelligent du temps de travail et des revenus. En France, on a un patronat et une droite les plus bêtes du monde. Ils n’ont pas d’autres priorités que de vouloir augmenter le temps de travail, notamment en généralisant le contrat de travail en jours. Il y a donc une flexisécurité intelligente et une flexisécurité prétexte qui est en fait de la flexiprécarité. Votre projet de loi relève de cette seconde catégorie.

Valls : oui mais bon ... Venons-en aux conseils de Prudhommes qui accordent, en cas de licenciement abusif d’un salarié, des indemnités pour préjudice bien trop variables d’un conseil à un autre. Nous vouons mettre fin à cette insécurité juridique en fixant un plafond

Le syndicaliste : d’un côté vous dites qu’il faut faire confiance aux négociateurs dans les entreprises. D’un autre côté, vous ne faites pas confiance aux conseils de Prudhommes dont la moitié des membres sont désignés par les employeurs. Votre volonté de faire confiance apparaît bien sélective

Tu conviendras qu’en cas de licenciement abusif, le préjudice subi n’est pas le même pour un salarié de 25 ans sans charges de famille que pour un salarié de 55 ans avec 3 enfants.

Certains dirigeants de TPE peuvent en effet hésiter à embaucher en CDI, par crainte d’être condamnés aux Prudhommes à verser des indemnités significatives. Il serait très étonnant que les entreprises ne puissent pas s’assurer pour ce genre de risque bien précis, au moins de façon collective et mutualisée. Je te donne un seul exemple : les milliers de syndics bénévoles de copropriétés sont assurés en responsabilité civile par simple adhésion à une association.

Valls : oui mais bon ... Revenons à l’essentiel : le taux de chômage a fortement diminué dans les pays qui ont flexibilisé le marché du travail. Les Etats-Unis, l’Allemagne et l’Angleterre sont quasiment revenus au plein emploi

Le syndicaliste : internet permet de découvrir en quelques clics que c’est de la désinformation. Par exemple, le PDG de l’institut Gallup aux USA écrivait en 2015 « Le taux de chômage de 5,6 % aux USA est un gros mensonge »

Dans son livre Made in Germany. Le modèle allemand au-delà des mythes, le rédacteur en chef d’Alternatives Economiques explique pourquoi « L’économie allemande a de grandes forces et quelques faiblesses, mais elle ne doit surtout pas son succès à la politique de réforme de Gerhard Schröder ... ». Tu devrais lire aussi Allemagne : 12,5 millions de personnes sous le seuil de pauvreté

Donner des taux de chômage, sans donner en même temps les taux d’emploi et les taux de pauvreté relève de la malhonnêteté.

Valls : OK, je dirai à Jean Tirole, Pierre Gattaz et Laurent Berger de lire tout ça, moi je n’ai pas le temps de lire ... Les sondages montrent que, parmi les Français jeunes et dynamiques sortant des grandes écoles, une majorité estime que des réformes du marché du travail sont nécessaires

Le syndicaliste : c’est logique. On le leur répète tous les jours dans les grandes écoles. En oubliant de leur rappeler toutes les réformes du marché du travail de ces 30 dernières années qui devaient soi-disant permettre de créer des millions d’emplois : la suppression de l’autorisation administrative de licenciement en 1986, six lois entre 2002 et 2012 pour « assouplir » les 35 heures, le Contrat Nouvelle Embauche en 2005 ... abandonné au bout de 2 ans, l’ANI du 11 janvier 2008 sur la Modernisation du marché du travail, la refonte complète des parties législative et règlementaire du code du travail en 2007, la loi de modernisation du dialogue social du 31 janvier 2007, l’ANI du 11 janvier 2013, la loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013, ...

Toutes ces réformes ont fait la preuve de leur échec contre le chômage. Elles sont analysées deux économistes, dans Réformes du marché du travail - Des réformes contre l’emploi, une étude de 42 pages de janvier 2016.

Valls : purée ... mais alors tu proposes rien pour faire reculer le chômage de masse ?

Le syndicaliste : les études sérieuses montrent qu’une véritable transition énergétique et écologique conduirait au minimum à 1 millions de créations d’emplois d’ici 2030, dans les activités et métiers directement ou indirectement liés à la cette transition

Par ailleurs, toute personne sensée comprend que, puisque nous produisons 3 fois plus qu’en 1950 avec 20 % d’heures de travail en moins et que depuis 50 ans la croissance moyenne décroit inexorablement, la seule vraie solution au chômage de masse est une répartition plus équitable du temps de travail.

Toi qui étais rocardien dans ta jeunesse, tu as oublié ce qu’écrivait Michel Rocard en 1996 en 4ème de couverture de son livre « Les moyens d’en sortir » : « L’inexorable montée du chômage démontre l’inefficacité de toutes les techniques utilisées pour le combattre … On ne luttera efficacement contre le chômage massif que par la réduction massive du temps de travail. Toute la question est : comment faire ? ». Et ce que déclarait en 1993 Antoine Riboud, le fondateur de BSN Danone : « Il faut passer à 4 jours, 32 heures. C’est le seul moyen d’obliger les entreprises à créer des emplois ».

Valls : je dirai à Gattaz, Berger et Tirole de vérifier ça, moi je n’ai pas le temps de lire

Le syndicaliste : tiens, une autre proposition concrète pour ceux qui veulent sincèrement donner du travail aux 25 % de jeunes sans emploi : depuis la dérégulation de 2009, des centaines de milliers de citoyens cumulent une retraite très confortable et un salaire très confortable. En rétablissant des limites à ce droit à cumul, des dizaines de milliers d’emplois pourraient être libérés pour les demandeurs d’emploi. Explications dans « Le cumul emploi retraite doit de nouveau être encadré »

Valls : ben dis donc ... ils doivent avoir du mal les DRH, avec des syndicalistes qui ont réponse à tout !

Le syndicaliste : t’inquiète pas pour eux. Je n’ai jamais vu un DRH être empêché de dérouler ses plans de licenciement économique. Souvent, ils contournent même les critères à respecter pour l’ordre des licenciements (ancienneté, charges de famille, compétence ...). Une fois, à ma demande en tant que délégué syndical CFDT, un juge en référé a bloqué les licenciements pour non respect grossier de ces critères. L’employeur a alors placardisé les salariés concernés et au bout de 6 mois ces salariés ont été contraints de « préférer » les indemnités de licenciement, plutôt que de rester placardisés ou de démissionner. Même en présence de 5 syndicats, toutes les grandes entreprises contournent les principales mesures de RTT prévues dans les lois Aubry : recours abusif aux contrats de travail en jours, non comptabilisation des heures supplémentaires, refus des temps partiels choisis, blocage des Compte Epargne Temps pour que les jours de RTT non pris soient perdus pour les salariés submergés de boulot, etc ... etc ...

Valls : toi tu dis qu’ils sont malhonnêtes, c’est de l’idéologie ... moi je suis pragmatique, je dis qu’ils sont habiles et bien conseillés

Le syndicaliste : ils sont également bien conseillés sur toutes les méthodes de « fluidification des relations sociales » dans l’entreprise. Sur ce thème, je pourrais écrire un livre.

Lors de vos fréquentes visites d’entreprises, vous ne vous intéressez jamais aux arrières cuisines et aux méthodes des DRH. Importuner ces PDG et DRH si sympathiques, sur des questions aussi futiles que le contournement des lois sociales, ce ne serait pas très habile pour vos déroulements de carrière et autres pantouflages. Ils peuvent rendre tant de petits ou grands services, à vous ou à vos enfants.

Valls : pourquoi être désagréable avec les gens qui peuvent vous rendre des services ? Désolé, il va falloir se séparer. As-tu encore des remarques importantes ?

Le syndicaliste : Je te résume l’essentiel de notre entretien. Vos principaux arguments pour « expliquer » votre projet de loi sont :

  • soit des contre vérités (le taux de chômage bas aux Etats-Unis, les réformes de Schröder en Allemagne qui seraient la raison principale du quasi plein emploi, ...)
  • soit des éléments de langage élaborés par les lobbyistes du Medef et vos communicants (le code du travail est trop volumineux, 90 % des embauches se font en CDD, le marché du travail à 2 vitesses pour les inclus et les exclus, le CPA mesure phare et révolutionnaire du projet de loi ...)

Donner toujours plus d’importance aux accords d’entreprise, c’est ouvrir la porte à des distorsions de concurrence importantes entre les entreprises d’une même branche. C’est une spirale sans issue de dumping social et salarial.

De plus en plus de citoyens vont découvrir dans les semaines à venir que vos principaux arguments sont en réalité des prétextes pour tenter de justifier de nouveaux cadeaux aux grandes entreprises.

Tu prends le risque de finir comme Villepin avec son CPE. Si vous décidez de passer en force au parlement, on constatera dans un an : aucun emploi créé par cette loi, encore quelques centaines de milliers de voix perdues pour le candidat du PS en 2017 et quelques dizaines de milliers d’adhérents perdus pour la CFDT.

Merci de m’avoir invité et bon courage quand même.

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