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Lettre aux députés : « Il n’y a aucun mécanisme assurant un revenu fixe minimum à toute personne âgée dans le besoin »

mardi 22 octobre 2013

Mesdames et Messieurs les députés,

Demain, vous allez voter pour ou contre une réforme des retraites qui, vous le savez, en rallongeant encore la durée de cotisation dans un contexte de chômage élevé et de précarité de l’emploi, va dégrader les conditions de vie des retraités en général. Déjà actuellement une grande partie des retraités rencontre des difficultés financières (le montant moyen des retraites dans le régime général n’est que de 1250 euros) et il existe une catégorie, encore mineure, de « tout petits retraités »qui connaissent des conditions d’existence très difficiles, dont peu de cas est fait, mais dont le nombre risque d’exploser.

Quelle réalité se cache derrière les mots rassurants de « retraite à taux plein » et Minimum Vieillesse garanti ? Quel Minimum Garanti actuellement ? Qu’en est-il exactement ?

Petites retraites  : les personnes arrivant à l’âge de la retraite dit « à taux plein », actuellement 65 ou 67 ans suivant leur année de naissance, mais ayant peu cotisé, soit sur une période incomplète, pour diverses raisons, études longues, départs à l’étranger, difficultés à rentrer dans l’emploi, longues périodes de chômage ou d’ « inactivité », ceci concernant particulièrement les femmes avec enfants, soit sur de petits salaires, smic, temps partiels imposés, enchaînement d’ emplois aidés par exemple, souvent 20h hebdomadaires au SMIC, soit cumulant les deux facteurs, durée de cotisation incomplète et faibles salaires, ce qui va souvent de pair, ces personnes se retrouvent avec des pensions de base très basses, souvent de l’ordre de quelques centaines d’euros,200,300,400 euros, puisque la pension, dans le régime général, est calculée sur la base de 50% du salaire moyen.

Minimum Contributif : afin justement de revaloriser les petites pensions résultant de cotisations sur de faibles salaires, il existe le Minimum Contributif, somme qui vient s’ajouter aux petites pensions pour garantir un montant total de 629 euros mensuels. Mais cette somme, d’ailleurs très faible, n’est due qu’à condition d’avoir une carrière complète ! Elle est diminuée proportionnellement au nombre de trimestres manquants ! Carrière incomplète et petits salaires allant souvent de pair, ce montant, déjà bien faible, devient souvent ridicule.

L’ASPA  : ancien Minimum Vieillesse ; Allocation de Solidarité pour les Personnes Agées ; cette allocation est censée venir compléter les petites pensions (base+ min. contributif) pour garantir à chacun un montant global de retraite de 787 euros. C’est considéré comme une aide sociale. Son attribution est soumise à conditions de ressources, qui ne doivent pas dépasser 787x12=9444 euros mensuels. D’autres revenus éventuels sont pris en compte, bien sûr, et la somme allouée est calculée pour donner un montant total de ressources de 787 euros ; mais sont aussi pris en compte dans les ressources certains revenus fictifs : en effet, par exemple, tout bien immobilier hors résidence principale constitue, pour l’administration, un revenu fictif égal à 3% de sa valeur ; une maison secondaire de famille, par exemple, même si elle ne rapporte aucun revenu réel (au contraire, son entretien, les charges, les taxes, ne sont pas prises en compte comme coût) va donc facilement, si l’on fait le calcul, exclure le ou la propriétaire du droit à l’ASPA.

Récupération sur succession de l’ASPA  : d’autre part, il faut savoir que l’ASPA est récupérée sur la succession du bénéficiaire si l’actif successoral dépasse 39000 euros. Si le demandeur possède un bien immobilier par exemple, une hypothèque est prise par l’Etat sur le bien, même s’il s’agit de la résidence principale, et la somme versée au titre de l’ASPA est récupérée sur la vente de ce bien. Les législateurs ont même prévu de réintégrer dans la succession tout don ayant été fait dans les 10 années précédant la demande d’ASPA ! Peu de personnes avaient connaissance de cette récupération ; elle est maintenant mentionnée sur le formulaire de demande d’ASPA, mettant donc en garde l’éventuel demandeur.

La récupération sur succession a un effet dissuasif considérable (elle a d’ailleurs été supprimée, pour cette raison, pour les biens agricoles).Beaucoup de personnes, de façon générale, préfèrent refuser toute aide sociale récupérable afin de ne pas spolier leurs enfants à leur décès. Dans un contexte de précarité de l’emploi et d’instabilité où l’ « ascenseur social » ne fonctionne plus comme pour les générations précédentes, n’est-il pas compréhensible de préférer refuser l’ASPA plutôt que de priver ses enfants de la transmission d’un logement, par exemple !
L’ASPA est donc soumise à des restrictions d’attribution qui sont injustes, qui ne tiennent pas compte de la réalité de la situation du demandeur, et sa récupération assez cynique pose un gros problème puisqu’elle dissuade nombre de personnes qui en auraient le plus grand besoin.

Il n’y a donc aucun mécanisme assurant un revenu fixe minimum à toute personne âgée dans le besoin.

Mesdames et Messieurs les députés, il existe donc déjà beaucoup de retraités en grande difficulté financière, pour s’alimenter, payer leurs charges, leurs mutuelles, pour se soigner correctement, pour avoir une vie heureuse et sereine, et une catégorie de retraités très pauvres qui survivent(ou pas) avec des revenus indécents ; on aurait attendu d’une réforme des retraites de gauche qu’elle améliore le sort de ses aînés ; ce n’est manifestement pas le cas si vous accepter de voter celle-ci ; elle va au contraire, en rallongeant la durée de cotisation, aggraver les choses, avec le risque de voir les citoyens français déçus se tourner vers les dangereuses forces du repli sur soi et de la haine de l’autre. Pourtant tout un éventail de mesures pourraient être prises ( ex : indexation des pensions sur 75%, ou plus, des revenus faibles) de façon à assurer à chacun un revenu décent d’existence, sans avoir besoin de recourir à une aide sociale avec ses problèmes d’inéligibilité et de récupération ; est-il normal que de vieilles personnes soient obligées de continuer à travailler alors qu’elles devraient laisser la place aux jeunes ? N’est-ce pas tout simplement illogique et à l’opposé du progrès qui voudrait que l’on travaille moins longtemps au contraire, afin de pouvoir profiter le plus longtemps possible du temps en bonne santé qui nous reste ! De l’argent pour financer cela, prenons le là où il est ! Là, la notion de récupération aurait un sens !

Une citoyenne française de 65 ans, toujours en activité, avec une prévision de retraite faite par la CNAV de 380 euros brut (280 base+100 minimum contributif) pour septembre 2014.
Le 14/10/2013

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