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Retraites : les affirmations du rapport MOREAU concernant les taux de remplacement sont totalement biaisées

mercredi 26 juin 2013, par André Martin

Le rapport complet « Nos retraites demain : équilibre financier et justice » ainsi que le dossier de presse (10 fiches en 40 pages) sont téléchargeables sur http://ses.ens-lyon.fr/rapport-nos-retraites-demain-equilibre-financier-et-justice-juin-2013--198384.kjsp

Les pages 28 à 31 du rapport MOREAU (197 pages) traitent des taux de remplacement.

Le paragraphe 2.2. est intitulé « Les taux de remplacement sont globalement restés stables ». Les sous-paragraphes 2.2.1. et 2.2.2 sont respectivement intitulés « Une baisse des taux de remplacement des salariés du secteur privé devait résulter de la réforme de 1993 » et « Les résultats sur données constatées montrent un maintien des taux de remplacement, qui résulte de plusieurs facteurs ».

A la page 12 du dossier de presse on peut lire : « En conséquence, le taux de remplacement des fonctionnaires civils (75,2%) est finalement très proche de celui des salariés du secteur privé (74,5%) ». La plupart des lecteurs déduiront d’une telle affirmation que la quasi-totalité des retraités partent, encore de nos jours, avec un niveau de retraite représentant environ les ¾ de leur dernier salaire.

Les affirmations sont claires, sauf qu’elles sont totalement biaisées et ne correspondent plus du tout aux réalités de 2013.

Explication

Les affirmations du rapport MOREAU sont basées uniquement sur l’évolution du taux de remplacement entre les générations 1934 et 1942, c’est-à-dire entre les générations de salariés dont la très grande majorité ont liquidé leur retraite entre 1994 et 2002 !

S’arrêter à la génération 1942 est malhonnête pour au moins 2 raisons :

  • La génération 1942 prise en considération par le rapport Moreau avait encore très peu subi les conséquences de la réforme Balladur de 1993. Puisque le nombre des meilleures années prises en compte est passé de 10 à 25 ans, mais sur une période transitoire étalée de 1993 à 2008. Et que le nouveau mode de revalorisation des salaires portés au compte, comme les prix et non plus comme le salaire moyen, a concerné la génération 1942 seulement pour un quart de leur carrière.
  • Il existe plusieurs études beaucoup plus récentes qui donnent des taux de remplacement 2013 totalement différents, ainsi que les évaluations pour les années à venir.

L’étude la plus intéressante est celle d’Henri Sterdyniak de l’OFCE d’avril 2010 « Simulation de l’évolution du taux de remplacement net des salaires pour 4 cas-type, nés en 1960, selon les réformes du système de retraite, à l’horizon 2020 » que l’on trouve sur http://www.ofce.sciences-po.fr/pdf-articles/2010/monde120410.pdf . Les 4 cas-type sont étudiés en fonction des 5 hypothèses de réformes envisagées au printemps 2010. C’est l’hypothèse R1a qui est la plus proche de la réalité d’aujourd’hui. Les TR nets sont les suivants :

  • Le cas du salarié non cadre dans le secteur privé : 69,8
  • Le cas du salarié cadre dans le secteur privé : 52,6
  • Le cas de la femme cadre dans le secteur privé : 61,8
  • Le cas de la femme à carrière chahutée : 68,9

Cette étude montre que les taux de remplacement nets sont en chute libre par rapport à ceux indiqués dans le rapport MOREAU, en particulier sur le graphique VII de la page 31.

Une autre étude, celle du COR du 26 février 2013 « Projections de taux de remplacement pour les générations 1950 à 1990 sur la base de cas types » que l’on trouve sur http://www.cor-retraites.fr/IMG/pdf/doc-1898.pdf

Une 3ème étude, celle de 2006 de l’IRES (Institut de recherches économiques et sociales) et de la CGT avait montré la très forte baisse du taux de remplacement net, en évaluant ces TR pour les générations nées respectivement en 1938, 1955 et 1985. Voir document joint. Existe-t-il des évaluations plus récentes de l’IRES ou des confédérations syndicales ?

Ces 3 études concordantes montrent que les affirmations du rapport MOREAU concernant les taux de remplacement sont totalement biaisées.

Les confédérations syndicales devant être reçues à partir du 4 juillet par le gouvernement, il serait utile de faire remonter rapidement cette "grosse erreur" du rapport MOREAU aux responsables retraites de vos fédérations et confédérations syndicales.

Explications complémentaires

Le taux de remplacement (TR) généralement utilisé est le ratio entre le montant brut des pensions à la liquidation et le dernier salaire brut à temps complet, éventuellement moyenné sur les 2 ou 3 dernières années d’activité. L’objectif d’un TR brut de 75% avait été atteint dans les années 80, pour tout salarié ayant effectué une « carrière complète ». Pendant près de 50 ans notre système de retraites par répartition était un système à prestations définies.

Il n’est pas illogique de donner des évaluations de « TR net » qui correspondent au ratio entre le montant net des pensions à la liquidation et le dernier salaire net à temps complet. Les TR nets sont toujours notoirement supérieurs aux TR bruts, puisqu’il y a moins de cotisations sur les pensions que sur les salaires.

Si l’on veut, pour une personne donnée, faire une comparaison plus fine de son revenu net à la retraite, par rapport à son revenu net d’activité, des corrections sont nécessaires. Par exemple, un retraité n’a plus de frais de trajet pour aller au travail. Cette correction peut être plus ou moins importante, suivant le mode de transport, la distance domicile travail et la contribution éventuelle de l’employeur. De façon totalement approximative on peut considérer que, pour de nombreux salariés, cette correction à la baisse peut être contre balancée par une correction à la hausse représentée par les prestations et subventions de leur comité d’entreprise.

Une autre correction importante et facile à évaluer doit être faite. Un retraité doit payer sa complémentaire santé (de l’ordre de 150 € par mois, à partir de 65 ans et pour une personne seule) en prenant cette somme sur sa pension nette. Alors que pour la plupart des salariés la complémentaire santé a déjà été cotisée avant d’arriver au salaire net. Pour une pension de 2 000 € qui correspondrait à un TR net de 70%, cette simple correction de 150 € fait baisser le TR net de 70% à 65%.

Remarque finale : Ce n’est pas la première fois qu’une étude officielle sur les retraites, destinée aux décisionnaires du gouvernement et élaborée collectivement sous la responsabilité de personnes hautement qualifiées de la fonction publique, contient des affirmations très fortement biaisées. C’était déjà le cas du rapport de 200 pages intitulé « Evaluation du cumul emploi retraite ». Voir « Des recommandations de l’IGAS contraires à l’intérêt général sur le cumul emploi retraite »

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