Les parlementaires ont donc définitivement adopté, mercredi 27 octobre, le projet de réforme des retraites. Sous réserve de son approbation par le Conseil constitutionnel, la loi sera donc promulguée dans les prochaines semaines. La retraite à 60 ans, une des réformes emblématiques du retour de la gauche au pouvoir en 1981, aura alors vécu.
Pour le président de la République, c'est indéniablement une victoire politique. Dans les délais qu'il avait fixés, en dépit du rejet de l'opinion et des syndicats, et malgré deux mois de manifestations, il a imposé cette réforme : l'âge légal de départ à la retraite sera porté à 62 ans et l'on ne pourra bénéficier automatiquement d'une retraite à taux plein qu'à 67 ans, au lieu de 65.
Nicolas Sarkozy peut en attendre un triple bénéfice. Primo, un retrait ou un recul aurait gravement terni son autorité et le profil de réformateur courageux qu'il entend se donner. Secundo, le message adressé aux marchés et aux agences de notation est clair : la France est déterminée à réduire, directement ou indirectement, sa dette publique. Enfin, si elle a su accompagner le mécontentement, l'opposition (en particulier le Parti socialiste) n'est pour l'instant pas parvenue à convaincre de la crédibilité de ses propositions.
Il reste que le prix de cette victoire risque d'être très lourd. A ce stade, le chef de l'Etat a perdu la bataille de l'opinion. La réforme des retraites a confirmé, au lieu de corriger, le sentiment majoritaire que l'action économique, fiscale et sociale menée depuis 2007 est inéquitable et pèse plus lourdement sur les Français les plus modestes que sur les plus aisés. M. Sarkozy se voulait moderne, il est jugé injuste.
En fermant la porte à toute véritable négociation sur un sujet aussi emblématique que les retraites, le chef de l'Etat a probablement aussi perdu la bataille du dialogue social, soigneusement entretenu pendant trois ans.
Enfin, et surtout, en réduisant cette réforme des retraites à une sèche affaire technique et financière, le président de la République est apparu sourd, ou pire indifférent, à l'inquiétude et, dans bien des cas, à l'anxiété qu'elle avivait. Incapable de comprendre ou de prendre en compte le malaise social profond qui s'est exprimé depuis des mois.
Car derrière la question des retraites, c'est évidemment celle du travail qui est posée dans une société gangrenée depuis trente ans par un chômage structurel de 8 % à 10 % de la population active, touchant en particulier les jeunes et les seniors.
A cet égard, les chiffres publiés le 26 octobre sont saisissants : en un an, le chômage des plus de 50 ans a progressé de 16,6 %, en dépit des sempiternelles déclarations de bonnes intentions du gouvernement et du patronat pour le réduire. Quand on sait que, déjà, 39 % seulement des 55-64 ans travaillent encore et que les autres sont réduits à un chômage d'attente pendant des années ou aux minima sociaux, comment ne pas comprendre que le report de l'âge de la retraite suscite au moins l'incompréhension, plus souvent la colère ou la révolte ?
Voir les contributions
Réutiliser ce contenu