Par jean-marc lernould
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C'est le dossier qui va cristalliser les débats au moins tout cet été, et qui va sans doute cliver les partis politiques. Pour s'y repérer, un débat est organisé à la Manoque.

Jusqu'ici, on pouvait sans problème envisager une canne à pêche pour monsieur et un vélo pour la dame, lorsque sonnait le glas de la retraite. Mais puisque l'on est en train de rebattre les cartes, les partants seront-ils encore assez fringants pour utiliser ces beaux cadeaux ?

La question est cynique, mais l'âge du capitaine sera au centre des débats demain, lors d'un débat proposé par la CGT, la FSU, Solidaires et les comités Attac lot-et-garonnais. Des protagonistes qui n'iront peut-être pas dans le sens du poil gouvernemental, mais l'expression sera libre à la Manoque.

Pour diriger les débats, on n'a pas fait appel au premier venu. A été convié à la barre Jean-Marie Harribey, professeur d'économie à Bordeaux IV, responsable du dossier retraites au sein d'Attac, et qui a lancé avec l'association Copernic la commission « Faire entendre les exigences citoyennes sur les retraites ». Il planche sur le sujet depuis une quinzaine d'années et on peut à juste titre lui demander de travailler un peu plus pour que nous en sachions plus.

« Catastrophe »

L'économiste, que l'on partage ou non ses opinions, a un recul professionnel indéniable. Et il n'est pas tendre envers les différentes refontes des systèmes de retraites.

« Il y a eu en 1993 la réforme Balladur sur le privé, puis en 2003 la loi Fillon pour les fonctionnaires, et en 2007 la remise en cause des régimes spéciaux. Résultat, on travaille plus longtemps, sans créer un emploi supplémentaire. À l'âge de 60 ans, les deux tiers des salariés sont hors emploi, et ils ne travailleront pas plus longtemps. C'est une catastrophe. »

Jean-Marie Harribey poursuit : « Ces différentes réformes ont diminué de 15 à 20 % le montant de pensions, par exemple en prenant en compte les 25 meilleures années au lieu de dix. Les pensions diminuent et le chômage augmente. Une enquête Insee de la semaine dernière montre clairement que cela pénalise l'entrée des jeunes sur le monde du travail. »

Nul doute que dans la salle, on demandera à l'économiste pourquoi on prolonge l'âge du travail alors que de jeunes postulants se bousculent au portillon.

Et Jean-Marie Harribey décoche une autre flèche, cette fois en direction du patronat. « On accélère le vieillissement. Le patronat empêche la prise en compte de la pénibilité, alors qu'un ouvrier vivra sept ans de moins qu'un cadre supérieur. Pour cet ouvrier, c'est une triple peine : un travail très dur, une retraite plus faible, et une mort qui arrive plus vite. » Glacial.

« Il y a des solutions, mais elles sont taboues. On ne parle jamais de la hausse des cotisations, qui sont tout à fait possibles, en demandant par exemple aux actionnaires qui perçoivent des dividendes de payer. Il y a là des dizaines de milliards d'euros », soutient Jean-Marie Harribey.

L'économiste enfonce le clou : « On protège les hauts revenus, le gouvernement s'appuie sur le patronat, on éponge le déficit des établissements bancaires et on fait payer la crise aux faibles. Tous les gouvernements protègent ceux qui ont causé cette crise. »

« Depuis deux siècles, l'augmentation des gains de productivité sert à diminuer le temps de travail. C'est ce que les différents gouvernements veulent interrompre. Le curseur s'est déplacé vers les actionnaires. »

« Situation tendue »

On n'a pas encore vu de gros mouvements de masse pour protester contre cette tendance à la rigueur. Jean-Marie Harribey admet qu'il n'y a pas encore de refus global, « mais je sens bien que la population est réticente à travailler plus, et la situation est tendue. »

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Le débat est ouvert, demain, à la Manoque, à partir de 20 h 30