A la mort de votre conjoint, vous pouvez toucher une part de ses pensions, à certaines conditions : c'est la réversion. A l'Agirc et l'Arrco, les complémentaires des salariés du privé, elle est accordée sans condition de ressources, au taux de 60 %.

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Ce qui signifie que vous pouvez percevoir 60 % de la complémentaire de votre conjoint, quels que soient vos revenus. Des modalités plutôt favorables, que les partenaires sociaux, qui gèrent ensemble ces régimes, sont régulièrement tentés de modifier, histoire de faire des économies.

Mais le sujet est sensible : la réversion concerne surtout les femmes et constitue un filet de sécurité pour de nombreuses veuves modestes. L'idée de baisser le taux de réversion, pour l'aligner par exemple sur celui du régime général (54 %) ou des fonctionnaires (50 %), a déjà été rejetée plusieurs fois.

Alors le Medef émet une nouvelle proposition : baisser le taux, certes, mais en continuant à permettre aux assurés de garantir à leur conjoint une réversion de 60 % s'ils acceptent un malus sur leur propre pension complémentaire.

A savoir : L'Agirc et l'Arrco sont pilotées par les syndicats et le patronat, via des négociations paritaires. Les dernières ont eu lieu de novembre 2012 à mars 2013. Retenez que les non-cadres cotisent à l'Arrco, alors que les cadres cotisent à la fois à l'Agirc et l'Arrco et touchent donc à la retraite des pensions des deux régimes.

Une réversion à la carte, en quelque sorte

En clair : vous auriez le choix, à votre départ à la retraite, entre toucher une pension complémentaire quelque peu réduite ou toucher votre complémentaire normale. Dans le premier cas, votre conjoint(e) aurait droit, à votre décès, à 60 % de votre complémentaire. Dans le second cas, il ou elle en percevrait une part plus réduite - peut-être, par exemple, 54 ou 50 %.

Le dispositif rappelle celui qui est en vigueur dans un autre régime complémentaire : celui des notaires. A la Caisse de retraite des notaires, le taux normal de réversion est en effet de 60 % mais peut passer à 100 % si le notaire accepte de toucher une pension minorée. L'abattement appliqué sur sa retraite complémentaire dépend de l'écart d'âge entre lui et son conjoint : le malus est par exemple de 8,30 % si son conjoint a maximum 3 ans de moins que lui, et de 16,80 % s'il a au moins 26 ans de moins que lui. Le dispositif proposé rappelle aussi les options "réversion" des produits d'épargne retraite permettant de se constituer une rente viagère - Préfon, Madelin, Perp, etc.

L'idée est toutefois déjà très critiquée par certains syndicats. "C'est de l'habillage, on réduit les droits en disant qu'on laisse un choix", estime Gérard Rodriguez, conseiller confédéral CGT en charge des retraites. "Pas question de toucher à la réversion tant qu'il y aura des inégalités salariales entre hommes et femmes", s'insurge de son côté Pascale Coton, secrétaire générale de la CFTC.

Des négociations pour éviter l'épuisement des réserves

Les partenaires sociaux se prononceront sur cette proposition (et sur bien d'autres) dans le cadre de discussions qui doivent s'étaler jusqu'à juin. Le lancement de ce nouveau cycle de négociations était initialement prévu ce vendredi 28 novembre, il a d'abord été reporté à début janvier, puis à mi-février 2015, comme l'a révélé lundi Toutsurlaretraite.com.

Raison invoquée : les services techniques de l'Agirc et de l'Arrco ont besoin de temps pour chiffrer les économies à espérer des différentes propositions mises sur la table, et permettre aux négociateurs de décider en toute connaissance de cause.

La tâche est ardue, notamment parce qu'il faut, pour chaque mesure, anticiper la réaction des assurés. Exemple : pour chiffrer le gain attendu par cette mesure sur la réversion, il faut avoir une idée du nombre d'assurés qui choisiraient de minorer leur propre retraite et du nombre d'assurés qui préfèreraient voir leur taux de réversion diminuer... Des questions propres à l'agenda interne des organisations syndicales et patronales sont aussi suspectées d'avoir pesé dans le report des négociations (le patronat a prévu une semaine d'actions début décembre et Force ouvrière tient son Congrès début février).

Rappelons que ces négociations sont rendues nécessaires par la situation financière préoccupante des régimes complémentaires des salariés du privé. A force d'accumuler les déficits et de puiser chaque année dans leurs bas de laine pour compenser, ils risquent d'épuiser leurs réserves. Et donc, à terme, de ne plus pouvoir verser l'intégralité des pensions dues. Si rien n'est fait, l'épuisement des réserves pourrait intervenir en 2017 ou 2018 à l'Agirc et dans une dizaine d'années à l'Arrco.

Les autres pistes de réformes

Parmi les autres propositions qui seront discutées : un abattement sur les complémentaires de ceux qui partent à la retraite avant 65 ou 67 ans, quel que soit leur nombre de trimestres - malus qui pourrait être temporaire (s'annulant aux 65 ou 67 ans du retraité) ou définitif. Mais aussi de nouvelles hausses des cotisations, le report au 1 octobre de la revalorisation annuelle des complémentaires, un gel des pensions en 2016, une fusion entre l'Agirc et l'Arrco, etc.

Quant aux pensions de réversion, outre la baisse du taux, elles pourraient être touchées par d'autres modifications de leurs modalités : l'âge minimum pour les toucher sans minoration pourrait passer à 60 ans à l'Arrco , comme c'est déjà le cas à l'Agirc (contre 55 ans aujourd'hui), et elles pourraient être proratisées en fonction de la durée du mariage même si l'assuré ne s'est marié qu'une fois.

Plus de détails ici sur la situation financière de l'Agirc-Arrco et les pistes de réformes envisagées.


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