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Eric Aubin (CGT) : "Les revenus financiers doivent contribuer aux retraites"

Elargissement de l'assiette de cotisation, participation des revenus financiers... Eric Aubin, membre de la direction confédérale de la CGT, expose les solutions de son syndicat pour sauver le système des retraites. 

Par Chat modéré par Eric Nunès

Publié le 04 mai 2010 à 14h42, modifié le 04 mai 2010 à 15h46

Temps de Lecture 9 min.

Elargissement de l'assiette de cotisation, participation des revenus financiers, fin des exonérations... Eric Aubin, membre de la direction confédérale de la CGT, expose les solutions de son syndicat pour sauver le système de retraite par répartition.

Bibile : Comment sortir du tryptique allongement de la durée de cotisations / baisse des pensions / hausse des prélèvements ? Existe-t-il d'autres solutions ?

Eric Aubin : Oui, la CGT a d'abord posé la question de l'emploi, qui nous semble fondamentale pour régler la question du financement des régimes, puisque nous avons aujourd'hui des jeunes qui entrent en moyenne à 23 ans sur le marché du travail, qui subissent la précarité et ensuite qui sortent prématurément, à 58 ans et 9 mois, de l'activité.

La CGT propose d'augmenter le niveau d'activité entre 20 et 60 ans. Ensuite, nous proposons de trouver de nouvelles ressources pour nos régimes. D'abord l'élargissement de l'assiette de cotisation, qui a fait l'objet d'un rapport de la Cour des comptes en 2009, qui pointait que le manque à gagner pour nos régimes de retraite était de l'ordre de 3 milliards.

Nous proposons également que les revenus financiers des entreprises soient mis à contribution. Cela représente environ 20 milliards d'euros.

Troisième proposition : nous pensons que les règles de calcul de la cotisation sociale basé sur la base salariale pénalisent l'emploi et les politiques salariales des entreprises. C'est la raison pour laquelle nous proposons de moduler la cotisation en fonction du rapport masse salariale-valeur ajoutée.

Nous proposons ensuite que soient stoppées les exonérations de cotisations sociales, qui n'ont eu aucun effet sur le niveau d'emploi. Nous pensons que cette proposition, liée à la modulation, peut permettre d'aider véritablement les entreprises en difficulté et dégager ainsi 10 milliards de ressources supplémentaires.

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Enfin, nous proposons d'augmenter la cotisation employeurs, ce qui n'a pas été fait depuis 25 ans, et en dernier ressort, si nécessaire, d'augmenter la cotisation salariés, qui se disent dans les sondages pas opposés à cette augmentation à condition de leur garantir un niveau de retraite convenable à 60 ans.

Hibou : La CGT est-elle prête à accepter un recul sur l'allongement de la durée de cotisation ?

Eric Aubin : Non, la CGT n'acceptera pas d'allongement de la durée de cotisation, car nous considérons que la première conséquence serait une baisse du niveau des pensions. La situation de l'emploi a pour conséquence que les salariés ont de moins en moins le plein de leurs droits au moment où ils font valoir leurs droits à retraite. Augmenter la durée de cotisation veut dire appliquer une décote qui pénalisera le retraité.

Guépard :  Pourriez-vous accepter un recul de l'âge de départ en retraite ?

Eric Aubin : L'âge de cessation d'activité aujourd'hui est de 58 ans et 9 mois en moyenne. L'âge légal de départ en retraite est de 60 ans. Et l'âge effectif de liquidation des droits est de 61 ans et demi. Concernant l'âge légal à 60 ans, nous ne sommes pas là que sur du symbolique, puisque plusieurs centaines de milliers de demandeurs d'emploi se verraient finir leur carrière aux minima sociaux, puisque nous avons vécu en 2009 des évolutions législatives, notamment la suppression de dispense de recherche d'emploi, qui permettait à des salariés de 57 ans et demi d'attendre l'âge de la retraite sans être obligés de rechercher un emploi.

Dans le même temps, nous avons eu la mise en place de l'ORE (offre raisonnable d'emploi), qui oblige un salarié à reprendre un travail même moins rémunéré que le précédent, sous peine de se voir supprimer les allocations chômage. Enfin, l'allocation équivalent retraite, qui permettait à des salariés qui avaient le plein de leurs droits mais pas 60 ans de bénéficier d'une allocation les conduisant jusqu'à l'âge de la retraite, a été supprimée.

Ces modifications, dans une situation de l'emploi telle qu'on la connaît aujourd'hui, auront d'énormes conséquences sur ces demandeurs d'emploi en termes de revenus pour vivre. C'est la raison pour laquelle la CGT s'oppose formellement au report de l'âge légal de départ en retraite.

Fernand : Etes-vous d'accord pour aligner les retraites du public et du privé par le haut, ne serait-il pas temps que les fonctionnaires fassent un peu plus preuve de solidarité avec leurs camarades du secteur privé ?

Eric Aubin : Il y a beaucoup de fausses idées sur les règles de calcul concernant la retraite du public, puisque les salariés du secteur public bénéficient d'une référence sur les six derniers mois, mais les primes qui peuvent parfois représenter 40 % de leurs revenus ne sont pas prises en compte. La CGT propose, au-delà des règles de calcul pour obtenir son niveau de pension, la mise en place d'une maison commune des régimes de retraite, avec la mise en place d'un socle de droits communs. Les trois principaux droits étant la garantie de la retraite à 60 ans, un taux de remplacement égal à 75 % de son dernier revenu d'activité dans le public et des dix meilleures années dans le privé, et enfin, une reconnaissance de la pénibilité par un départ anticipé.

La différence sur les mois de référence entre le dernier salaire du public et les dix meilleures années du privé repose sur le fait que les carrières sont très différentes selon que l'on travaille dans le privé ou dans le public. Le dernier salaire dans le public est souvent le plus élevé car il y a une carrière linéaire. Dans le privé, le dernier revenu est souvent plus faible que les précédents. Cela est lié à la précarité de l'emploi dans le privé.

Hai :  Que pensez-vous de la retraite des parlementaires ?

Eric Aubin : La CGT n'entend pas opposer les salariés entre eux. Cependant, proposer aux salariés des sacrifices alors qu'ils considèrent qu'il y a des injustices qui ne sont pas prises en compte – ce qui est notamment le cas des régimes des parlementaires – ne peut être accepté par eux.

Guest : L'Elysée fait fuiter une info disant qu'il pensait repousser progressivement la retraite à 63 ans alors que les syndicats commencent à négocier avec le ministre du travail... Est-ce une stratégie ? Comment l'interprétez-vous ?

Eric Aubin : J'ai réagi hier dans les médias sur cette question, en disant que nous étions assez surpris de la méthode puisque nous avons en ce moment même non pas des négociations, mais une concertation qui vise à faire connaître nos propositions. Nous avons l'impression que si nous sommes écoutés, nous ne sommes pas entendus pour autant.

Le gouvernement a choisi de lancer des ballons d'essai et attend les réactions, qui n'ont pas tardé, sur le sujet, puisque l'ensemble des organisations syndicales – sauf la CGC – se sont dites opposées au report de l'âge légal de départ en retraite.

N.W:  Craignez-vous l'attitude de la CFDT, qui pourrait signer un accord, comme en 2003 ?

Eric Aubin : Nous ne sommes pas dans des négociations, donc il ne devrait pas y avoir de texte à signer. Nous sommes aujourd'hui inscrits dans un travail entre organisations syndicales, auquel ne participe pas Force ouvrière, choix qu'ils ont fait, qui vise à porter ensemble des propositions auprès du gouvernement. C'est notamment le cas concernant l'emploi, tant en qualité qu'en quantité, concernant la pénibilité, l'égalité homme-femme, et une nouvelle répartition des richesses. Sur cette base, nous entendons poursuivre ce travail dans l'unité.

Few : Comment évaluez-vous le risque de voir les jeunes générations refuser de poursuivre le jeu de la répartition et de la solidarité intergénérationnelle si elles perdent confiance dans la pérennité du système à 20-30 ou 40 ans ?

Eric Aubin : Un des défis à relever est de redonner confiance aux jeunes dans notre système de retraite par répartition solidaire. La meilleure façon de leur redonner confiance, c'est d'abord de leur dire qu'ils auront une retraite. Ensuite, il faut leur garantir qu'à 60 ans ils auront le choix de rester en activité ou de partir en retraite. Avec un niveau de pension leur permettant de vivre dignement. C'est la raison pour laquelle la CGT propose de revoir la notion de "carrière complète", qui vise à permettre d'obtenir des droits à retraite pendant les périodes d'études et pendant les périodes d'inactivité forcée.

Babilons : Alors que les syndicats grecs appellent à une grève générale de 24 heures le 5 mai pourquoi la CGT avec l'intersyndicale n'en ferait pas de même avant les congés de l'été ?

Eric Aubin : La situation européenne montre que les salariés sont amenés à payer le prix de la crise alors qu'ils n'en sont en rien responsables. La CGT, pour sa part, s'est inscrite dans l'intersyndicale en France, dont une réunion est programmée jeudi 6 mai, pour envisager les suites du 1er Mai, qui a rassemblé 350 000 manifestants. La CGT proposera une nouvelle action avant la fin mai pour peser sur le projet de loi qui doit nous être présenté à la mi-juin.

Musaraigne : Pensez-vous qu'un plan de rigueur à la grecque se prépare en France ?

Eric Aubin : Nous ne sommes pas à l'abri de ce qui se passe dans d'autres pays, à savoir que des agences de notation privées attribuent des notes aux Etats, qui ont des conséquences très graves sur les taux d'intérêt payés par ces mêmes Etats et qui peuvent les mettre en difficulté financière. Aujourd'hui, la Grèce est concernée, mais déjà le Portugal et l'Espagne sont pointés du doigt.

Cheval : Quelle conséquence a le faible taux d'emploi des seniors sur les retraites ?

Eric Aubin : La CGT ne se focalise pas sur l'emploi des seniors, car nous considérons qu'il y a un problème d'emploi global. Le taux d'activité des 20-30 ans et des 50-60 ans est le plus faible d'Europe. Nous avons donc une focalisation de l'activité sur les 30-50 ans, ce qui n'est pas sans conséquence sur les conditions de travail et le mal-être au travail. A 50 ans, un salarié compte les années qui lui restent à faire pour sortir de l'activité, ce qui est un vrai problème qui doit trouver des solutions si l'on veut que les salariés restent en activité.

Biloute : Quelle influence les syndicats peuvent encore avoir sur la réforme des retraites dans notre contexte de crise ?

Eric Aubin : Les organisations syndicales ont une lourde responsabilité dans la période, et c'est la raison pour laquelle la CGT travaille à l'unité la plus large et regrette que certains syndicats se soient mis à l'écart de cette unité. La mobilisation des salariés sera essentielle pour peser sur le projet de loi que nous concocte le gouvernement, qui doit être présenté début juillet au conseil des ministres. Le rendez-vous ne se termine pas pour autant, puisque le débat parlementaire dès le mois de septembre sera l'occasion pour les salariés de se mobiliser de nouveau pour peser auprès du Parlement.

La CGT appelle donc tous les salariés à participer à la construction de leur avenir, et notamment pour un régime de retraite par répartition solidaire leur assurant un départ à 60 ans et un niveau de pension leur permettant de vivre dignement.

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